Dans un hôtel,un conflit oppose des salariés à leur direction. En jeu : la requalification du contrat de travail en CDI de quinze d’entre eux,alors en CDD. Un délégué CGT a pris contact avec un avocat. Des procédures aux prud’hommes doivent être engagées. Le militant sollicite l’aide d’un permanent du syndicat. Celui-ci lui déconseille d’agir de la sorte et lui propose de l’accompagner dans l’organisation d’un débrayage. La perspective effraie le délégué : « Ouh là,la grève,moi,tu sais… » Il ne donnera pas suite.
Une telle situation est loin de représenter un cas isolé. Le rapport distancié à la grève est une réalité dans les rangs cégétistes de nombreuses entreprises. Les modalités d’action sont ainsi en évolution,au sein même du syndicat. C’est précisément l’objet d’étude de Baptiste Giraud,maître de conférences en science politique à l’université d’Aix-Marseille,dans son nouvel ouvrage,Réapprendre à faire grève (PUF).
L’auteur a réalisé durant deux ans un « travail d’observation ethnographique » au sein de l’Union syndicale du commerce et des services de Paris de la CGT. Il en livre les conclusions dans son essai,dévoilant l’approche du syndicalisme que porte un « nouveau prolétariat »,très présent notamment dans les secteurs de la livraison,de la propreté ou encore de la logistique.
Riche en enseignements,l’immersion donne à voir les ressorts de l’engagement militant. Il s’agit avant tout de « se protéger de l’autoritarisme patronal ». « Le syndicat est prioritairement investi comme un espace d’accès à la protection et aux connaissances juridiques nécessaires pour faire valoir les droits des salariés »,poursuit l’auteur.
Face à ce constat,les permanents de l’union syndicale mènent un travail au long cours d’organisation et d’apprentissage de la grève. Ils insistent sur l’importance d’instaurer un rapport de force collectif dans l’entreprise avec,pour point d’appui,une vision classiste,la nécessité,aussi,de gagner la confiance des salariés,pour mobiliser et mener une lutte efficace. Exercice délicat dans des secteurs qui cumulent les handicaps pour implanter durablement une culture syndicale (morcellement des structures,précarité et volatilité de la main-d’œuvre,diversité des statuts d’emploi,personnalisation des rapports de pouvoir,fort antisyndicalisme des patrons…).
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